Jeff Hackman et Dave Kalama 

Texte et photos par Amil de Sardaigne

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   C'est peut-être cette longue période de calme plat qui ont rendu ces trois jours si spéciaux? Le team Quicksilver a fait escale en Sardaigne apportant une belle houle et des personnes hors du commun...  Mercredi matin, Ally m'a téléphoné me demandant de la rejoindre à Poetto pour rencontrer Jeff Hakman (le premier vrai surfer professionnel) Dave Kalama (un des plus grand Big Wave Rider) et Mark Richards (4 fois champion du monde ASP) ... J'ai donc sauté de mon lit et courru vers Poetto. Il y avait déjà pas mal de monde qui attendait... Une fois notre tour arrivé, nous avons demandés des autographes pour nous et pour Willie qui ne pouvait pas être présent.

   Une fois la manifestation finie, et le chapiteau démonté, ils sont allés déjeuné au snack d'à coté. Ally et moi nous sommes installés à une table voisine et avons attendu qu'ils finissent de manger pour nous prendre en photo avec eux. 

 

Le lendemain nous les avons recroisés à Capo Mannu. Kalama en fin magicien faisait des trucs incroyables en longboard dans des vagues d'un bon 2m...

Après, ils se sont rendus à Mini Capo. Et enfin à Godzilla où ils ont retrouvés Phill Grace... Pour ceux qui  ne le connaissent pas, c'est un des  shapers de QS, cinquante cinq ans , sympathique, look alternatif, et je vous dit pas son niveau en longboard . (...)

(...) Après le dîner Jeff m'a dit qu'il était trop fatigué pour une interview et m'a donné rendez-vous le lendemain à son hôtel. Malgré mes intentions de faire la chose de manière assez brève, nous sommes restés à parler plus d'une heure et demie !

L'interview:

AMIL : Comment allez-vous ?

Jeff Hakman : ehehhe good ehhehe

A : Avez-vous surfé aujourd'hui ?

J : Nous avons surfé Capo Mannu, un peu plus petit qu'hier, presque deux mètres un peu venté. 

A: Comme mon ami (Willie ndr) m'a demandé : Quel spot trouvez-vous le mieux?  Capo Mannu ou Hokipa?

J : Oh, nous pouvons le demander à Dave (Kalama ndr), il est d'Hokipa. Dave, quel spot est le mieux? Hokipa ou Capo Mannu ?

Dave Kalama : Hokipa. (se séchant ndlr)

Rires général

D : Mais pas de beaucoup.

J : En fait ils se ressemblent. Une bonne journée à Hokipa est presque comme une excellente journée à Capo Mannu.

A: Que pensez-vous de la Sardaigne ?

J: Elle est très belle, c'est la cinquième fois que je viens. Deux fois nous avons surfé un bon 3 mètres à Capo Mannu, vraiment très beau, et cette fois deux mètres. J'ai tenté Chia, mais les conditions n'étaient pas fantastiques, petites vagues d'un mètre, mais c'était ok. En Sardaigne, tout est fantastique: la nourriture, le style, le surf. Même si les vagues ne sont pas toujours présentes, lorsque il y en a, elles sont bien, voir parfaites. Les meilleures conditions que nous avons trouvé en Italie, ont été à Varazze avec un très joli deux mètres. Cependant, il est vrai que je préfère  la Sardaigne pour son style, pour son eau propre, sa nourriture... .

A : Que pensez-vous de nos vagues et de nos surfeurs... Y a t-il beaucoup de différences avec la réalité italienne ?

J : La Sardaigne est beaucoup plus cool. Vous êtes plus tranquilles. La Lazio par contre, est plus agressive. 

A : ...en ce qui concerne le localisme ?

J : Hehehehe, ici le localisme est quasi inexistant comparé à Hawaii ou à quelques endroits d'Australie...

À : Hier, Phill (Grace),  Dave (Kalama) et moi avons surfé Godzilla. Là où seul les oristanesi peuvent surfer.

J : A Hawaii ou en Australie le localisme est très fort, tu sais. Ici le niveau de surf n'est pas encore très élevé, tout le monde peut s'amuser sans prendre la chose trop sérieusement.  

A : Quand le niveau s'élèvera les problèmes seront plus important ?

J :  Beaucoup. Tu verras dans cinq ans. Tu sais, l'évolution... Il y a vingt ou trente ans le localisme à Hawaii était inexistant...

A : Y a t-il quelque chose que nous pourrions faire ?

J : Rien, c'est l'évolution... c'est triste mais c'est la réalité. Lorsque le niveau augmente, il s'en suit l'agressivité du localisme.

A : Je vous demande ça parce que depuis deux ans le nombre de personnes à l'eau a doublé, et c'est souvent le bordel.

J : Il y a quelques années il a dû t'arriver de surfer Capo Mannu ou Mini Capo sans personne à l'eau, hier combien étiez-vous? vingt cinq, trente? 

A : Le monde n'est pas le problème majeur, mais la tendance à dropper. Trois personnes, quatre, même cinq sur une vague, c'est ça le bordel ?

J : Oh, j'ai remarqué, c'est vraiment dangereux. Dave en sortant de l'eau me l'a dit, surtout au Mini Capo où il y a peu d'espace et beaucoup de rochers. Toutefois, c'est là encore l'évolution des choses...

A : Pouvons-nous le contrôler ?

J : Si vous voulez essayer, rien ne vous en empêche, mais dans le reste du monde cela n'a pas été possible.

 

A : Comment pouvons-nous augmenter notre niveau ?

J : Vous devez voyager; en Indonesie, à Hawaii, en Australie..., c'est la seule solution, parce qu'ici le niveau est vraiment bas. 

A : Peut-être est-ce parce que nous sommes trop peu à surfer. Nous avons peu d'exemples à copier pour nous améliorer, autrement nous progresserions plus facilement ? Nous sommes réduits à apprendre en regardant les vidéos, ce serait plus instructif de pouvoir regarder quelqu'un devant soi.

J : En parlant honnêtement le niveau des longboarders sardes est vraiment bas. Ici vous devez organiser des contests et regarder comment surfent les bons.

J : Dave une autre bière ?

D : Yea !

J : une autre question ?

A : Ahm... Ehm...

J : Dave, Amil m'a demandé comment était le localisme, et le niveau technique comparé à celui d' Hawaii, de Pipeline... ou Snipper Rocks en Australie... En Sardaigne vous êtes tous amicaux. Dave a dit hier que Minicapo était très dangereux.

D : Oh, Yea. Tout à l'heure, quelqu'un ne comprenait pas qu'on devait sortir du milieu et laisser la priorité à celui qui surfe.

J : Dave m'a dit que les vagues était très belles mais que dans l'inside il y avait plein de "little bugs" hehehehe. Lorsque tu surfes à Hawaii tu apprends à être éduqué. Tu apprends ce que tu dois faire lorsque tu rames vers le line up. S'il arrive une vague et que quelqu'un la prend, tu dois ramer vers l'intérieur, c'est la règle. Je pense qu'en Sardaigne vous devriez apprendre quelques règles en plus et faire en sorte que tout le monde les appliquent. C'est comme quand tu conduits, il y a des règles pour éviter les accidents. A Hawaii il y a des locaux vraiment gros, Dave en comparaison est petit (! ! ! ndr) et si tu ne t'enlèves pas, ils te foncent dessus.

D: Une planche se répare et tu as sûrement appris une leçon. Tu dois ramer fort pour sortir du milieu. 

J : Si une personne est sur la vague, tu ne dois pas la lui gâcher, il ne doit pas avoir la paranoïa de calculer ta présence. 

A : C' est une question de respect.

J : Plus que ça, ce sont les règles internationales.

A : Que penses tu de quelqu'un qui reste planté en te regardant surfer?  

J : Qu'il est fous, comme ceux qui te regardent pendant qu'ils rament. Ils doivent bouger le plus vite possible. Ils veulent vraiment qu'ont leur rentre dedans ! C'est comme lorsque tu conduis sur la voie rapide à 100km/h et que quelqu'un te coupe la route. Et bien, tu vois pour les vagues c'est la même chose.

D : Il y a une chose belle en Sardaigne, la plupart des mecs sont très tranquille, et ici le localisme est très léger, il ne se sent pas.

A : Mais nous faisons du localisme surtout entre nous, ensuite vous n'êtes pas des personnes communes, vous êtes célèbres. Si un cagliaritaine vient à Oristano déjà nous le regardons mal. Si Diddo va à Godzilla les locaux lui disent tranquillement qu'il ne peut pas surfer. Mais Diddo, fait partie de l'histoire et surfe Godzilla depuis plus longtemps qu'eux avec Bobo Lutzu et quelques autres. 

D : Si tu vas surfer avec tranquillité et éducation aucun local ne doit te manquer de respect. Dans n'importe quelle partie du monde. Si tu le fais avec arrogance tu risques toujours des ennuis.

A:Un jour Diddo est allé à Godzilla et a dit aux locaux d'aller se faire foutre.

J : HEHEHE. Diddo est un peu fou on sait.

À : Hehehe Diddo, nous le connaissons est une bonne personne.

J : Dave, si  Diddo va à Hawaii et dit aux locaux : "Allez vous faire foutre!",  il risque de passer un sale quart d'heure ! hehehehehe

D : Si tu vas à l'eau et laisse passer les première séries, et lorsque vient ton tour tu prends une vague et ensuite tu te remets à la queue. Tu reçois le respect. C'est de l' éducation et de la courtoisie, si tu donnes du respect normalement il t'est rendu. Lorsque des types que je n'ai jamais vus viennent sur mon spot, me saluent en faisant les personnes éduquées, je les respecte. Pas de problème.

J : Tu verras que des problèmes il y en aura dans les cinq prochaines années. C'est malheureux à dire, mais c'est comme ça.

À : C' est un problème de mentalité.

D : Exactement

J : Le même discours vaut lorsque tu te trouves sur la route. Si un italien va à Hawaii et se  permet de conduire comme je l'ai vu faire en Italie, un type vient lui tordre le cou. Même si ici cette conduite est normale. Pour nous, elle est inacceptable.

A : En résumé, si tu donnes du respect, tu en reçois. En Italie c'est une autre histoire.... Et le respect ne marche pas toujours..

J: Je peux le comprendre...

 

À : Selon toi qu'apportera la  "mode surf" dans la culture italienne ?

J : Le surf fait vendre, on s'en est tous aperçu, ça s'est passé comme ça aux USA dans les années 70 et 80. Et il n'a rien apporté de plus à l' eau, si ce n'est du monde. Beaucoup vont s'y mettre, mais la plupart d'entre eux ne se mettront pas à l'eau régulièrement, et resteront hors de l'eau ou assis à faire les beaux. Mais lorsque ils iront à l'eau, ils devront faire attention à leur comportement sinon ils créeront des problèmes, et ces choses arrivent.  

A : Comme dernière question, Jeff, tu as une discrète expérience avec "l'alcool"et les "problèmes" de drogues...

J : Oh non ! Devons-nous  parler de ça? Heheheh ! Ok, ok, quelle est la question ?

A : Veux-tu dire quelque chose à ceux qui en consomment ?

J : Don't waste your life. Si vous pouvez, même si vous n'en sentez le besoin, demandez de l'aide pour en sortir et pour ne pas en faire la priorité de votre vie. Ce n'est pas honteux de demander de l'aide. Parce que sans aide, il est impossible de changer. Les drogues sont très dangereuses, surtout si on en abuse. Elles te prennent ton temps, ton argent, tes amis. Le pire, c'est que tu penses que tout va bien, que tu n'as pas de problèmes dans ta vie, ça te plaît ! Et lorsque tu auras envie de cesser, tu cesseras ! Mais personne n'ose te dire que tu as un problème ! Il est important de comprendre ce que l'on gâche aussi bien en temps qu'en argent. Perdre du temps est la chose la plus triste. Vous ne perdez rien, allez surfer! Vivez sainement  c'est mieux ! La vie sait donner assez de sensations sans avoir une aide à les sentir "meilleures".

J'étais en train de me lever pour les saluer, mais Jeff m'a dit:"Tu ne veux pas poser quelques questions à Dave, peut-être sur sa passion de surfer des vagues énormes?" Alors je ne me suis pas fais trop prier... 

A: Dave, ça te fais quoi de surfer des grosses vagues? 

D : Je pense que c'est très amusant

A : Plus elles sont grandes et mieux c'est?

D : Non, pas du tout ! Les grosses vagues peuvent vraiment te tester ( ta préparation, ta force, ton mental) . C'est un peu comme pour les guerriers samurai du Japon; tu dois être vraiment concentré et pur dans tes intentions si tu veux continuer à vivre. Beaucoup de personnes ont eu des accidents parce qu'elles ont eu peur et se sont aperçus trop tard que ce qu'elles était en train de faire était très dangereux. Elles auraient du s'en apercevoir plus tôt. Je me suis entraîné lourdement parce que je sais que tout peut arriver, si tu veux surfer des vagues vraiment grandes, tu dois prendre en compte toutes les perspectives.

À : J'ai vu le film "In god's hand"...

D : ...ce film n'est pas un bon exemple. Il est seulement Hollywoodien.

J : Bullshit...

D : Les choses entre le film et la réalité sont très différentes

A : J'ai lu que ces vagues, en cas de wipe out, peuvent te tirer en bas jusqu'à près de dix mètres. Est-ce vrai ? Tu dois aussi te préparer à supporter ces pressions.

D : La pression n'est pas le problème principal. Le vrai problème est de finir en plein milieu de la zone d'impact. Il y a tellement d'eau qui te tombe dessus que tu sens tes membres qui cherchent à se détacher de ton corps. ça peut te tuer... (...)

 

Une fois l'interview finie, bien que l'émotion soit forte et que la fatigue se faisait sentir, j'ai continué de discuter un long moment avec eux. Jeff Hakman et Dave Kalama, sont deux personnes splendides: réalistes, déterminées et humbles par dessus tout... Je les ai laissé mais, en leur arrachant la promesse d'aller visiter notre site S.G.S.G.